mardi 17 mars 2009

Bashung à l'Elysée

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Texte par Violaine Schütz publié dans le HOWL de janvier 2009

Elysée Monmartre – Le 26 octobre 2008

compte rendu de concert/ Bashung

Avec Daniel Darc et Christophe, Bashung reste l'un des rares survivants de la chanson française à nous émouvoir encore comme il y a dix ans. Il en donnait une nouvelle fois la preuve, le 26 octobre dernier devant un Elysée Montmartre aussi comble que comblé.

Chapeau, lunettes noires et pardessus à la Bogart, Bashung entre sur scène, impressionnant d'allure et d'aura en prévenant tout de suite le spectateur de ce qu'il attend. « Vous connaissez quelques unes des chansons que je vais chanter, d'autres non, je vous souhaite un bon voyage ». Un voyage, c'est en effet de quoi il retourne ce soir à l'Elysée Monmartre. Pendant plus d'une heure et demie, Alain Bashung alternera au milieu d'un jeu de lumière somptueux (on pense souvent à certaines scènes de Twin Peaks) morceaux récents (dont beaucoup sont tirés de Bleu Pétrole, son dernier album en date) et les tubes pour lesquels le spectacle affiche complet depuis quelques mois. La grosse surprise étant que notre hôte ne fait pas cavalier seul. Ses compagnons d'infortune et de fêlures n'ont rien d'un escadron de requins de studio un peu lourdaud mais manie la guitare, la basse et le violoncelle avec la légèreté d'un Calexico mêlée à la finesse d'un Tindersticks. Nous voilà donc très vite transporté par la magie d'une voix aussi torturée que limpide et d'une musique onirique vers un terrain très lointain qui file le vague à l'âme et la chair de poule (celle des frissons et des picotements dans le bas ventre). Les escales les plus flamboyantes demeurent celles qui nous amènent vers le passé. L'impeccable « La nuit je mens » est le premier moment d'émotion pure qui s'offre à nous avant que l'homme en noir nous régale d'une reprise très classe d' « Everybody’s talkin’ » d'Harry Nilsson, et d'une version sautillante d' « Osez Joséphine » dont l’intro est remplacée par le « Blowin’ in the wind » de Dylan. Mais le meilleur reste à venir. Quand la fin arrive, « Madame Rêve » épingle le public au ciel et le magnifique « Vertige de L'Amour » donne le tourni à ce qu'il nous reste d'esprit. On dit merci.


dimanche 15 mars 2009

Una notte bianca, nel 1977 avec JC/DC


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texte paru dans le TSUGI n°9
par Violaine Schütz

Una notte bianca, nel 1977 avec Jean-Charles de Castelbajac

Créateur pop post-moderne, déjanté et plein d’humour, connu pour ses détournements de toiles de jutes en robes citationnelles, Jean-Charles de Castelbajac, est aussi un fan de musiques électroniques acéré, ami du leader de Kraftwerk à ses débuts qui projette aujourd’hui de faire jouer Crystal Castles à son prochain défilé. Moment rare : le plus anarchiste des aristocrates nous entraine avec lui dans une nuit-voyage digne d’un épisode d’Indiana Jones dans le temple maudit d’une l’Italie hantée.

C’était en 1977 ou 78, en Italie, pendant les années de plomb, ce moment de l’histoire où il y a eu énormément d’attentats terroristes et où régnait un étonnant paradoxe entre la dolce vita italienne et quelque chose de dramatique lié à la présence du fascisme. J’ai une vingtaine d’années, c’est un samedi soir d’été, en fin de soirée. Un ami cher, Achille, me propose de le suivre dans sa vieille décapotable Corniche vers une propriété perchée sur les collines de Reggio d'Émilie, qui ressemble qui a tout de la demeure de Nosferatu.

22h30 : Achille frappe à la porte, et on se retrouve dans un immense couloir d’une hauteur de 11 m sous plafond, avec un sublime tapis d’orient au sol, et une voute faite de chaque côté de 25 têtes de girafes empaillées, et d’orangs outans naturalisés : que des animaux que j’aime sacrifiés pour le seul plaisir de tuer. Les girafes, très féminines, me regardent chacune dans les yeux, avec la même tristesse dans le regard que la mère de Bambi au crépuscule de sa vie. Au fond du couloir, trône une énorme tête de lion sous laquelle se trouve une double porte cloutée à battant. Un maitre d’hôtel ouvre la porte. Et là, on découvre une autre pièce-temple contenant des tableaux très sombres d’ancêtres, presque que des hommes dans une atmosphère étrange avec un éclairage aux chandeliers et une table mise de 12 m de long au milieu. On s’installe avec Achille dans des fauteuils renaissance italienne.

23h : Il est assez tard pour diner lorsqu’arrive une femme au très long cou, comme on peut seulement en voir sur les princesses romaines photographiées par Richard Avedon, et qui
ressemble aux girafes de l’entrée. Par une autre porte, sort un homme rougeaud, avec moins d’allure, qui s’installe à l’autre bout de la table. Le couple très mal assorti ne s’adresse la parole que par petit mot écrit et transmis à un maitre de maison qui le pose sur un petit plateau d’argent.

00h30 Dans une situation à faire pâlir de désir Salvador Dali, et dont la drôle d’ambiance aurait fortement excité Marcel Duchamp, le premier plat arrive. La maitresse des lieux, dont j’apprendrais plus tard l’identité- il s’agissait d’une véritable princesse romaine devenue comtesse par son mariage avec un riche notable toscan-, est entourée d’une dizaine de chihuahuas comme il en existe que quelque uns dans le monde. Le diner se passe et la conversation trépasse. Dans cette cathédrale du silence, le velours est proche des prémisses d’eyes wide shut, mais il ne se passe rien. Je demande en partant à Achille, si ces gens ne sont pas un peu bizarres. Il me répond que le couple a simplement choisi de régler un contentieux entre tous les deux par un silence à vie.

01h30 Achille me parle d’une fête chez un ami, dans les collines de l’Emilie. On monte dans sa Rolls corniche, dont la teinte change selon les jours (il prend la noire le lundi, jour de deuil) et on arrive devant une villa bunker avec un ciment à la Rambo, qui reflète la lune. A l’intérieur la fête est assez figée avec que des jeunes gens de familles à l’allure romantique et romanesque, tous semblables aux mannequins de Kraftwerk. Une quinzaine d’entre eux regardent vers un petit jardin. Et là je demande à Achille : « toi qui est un grand amateur de beauté féminine, peux tu me dire où sont les femmes ? »
Il me répond : « Elles ne sortent pas après minuit ». Je suis un peu déçu.

3h30 A travers les baies vitrées, vers lesquelles les jeunes garçons lorgnent, j’aperçois une fille qui ressemble au printemps de boticelli, poursuivie par un ours. Je ne comprends pas pourquoi les clones de Gary Numan assistent à cette tragédie en rigolant. En colère, j’en bouscule un, je saute dans le jardin, je cours après l’ours, le terrasse, sa tête roule et boule et je découvre qu’une femme se cachait sous la peau de l’ours. A ce moment là, des projecteurs se braquent sur les différentes terrasses hypra modernes de la villa, et des sonorités électroniques qui remontent à l’archéologie du genre, dans la veine d’OMD, Human League et Throbbing Gristle envahissent l’espace. Il s’agit en fait des premières notes de « warm leatherette » de the normal, convié pour orchestrer live cette messe apocalyptique.

4h30 je dois travailler le lendemain matin, dessiner une collection pour la marque Sportmax pour laquelle je travaille alors, mais Achille me prend à part et me dit, pars pas, je veux te montrer quelque chose. Il m’emmène dans une pièce où se trouve un tableau en dyptique, montrant d’un côté, le dos d’une femme grandeur nature constellé de grains de beauté, et de l’autre une nuit étoilée où les taches de la fille sont transfigurées en ciel. Il s’agit du tableau « physionomie céleste » de Claudio Parmiggiani (célèbre peintre italien des années 60, ndr).

6h00 Achille me dit qu’il veut m’offrir ce tableau.

6h30 Après un tour en Rolls, on se retrouve à la terrasse d’un café, nous sommes seuls, Achille me récite du Lautréamont, en français dans le texte, la séquence du requin des chants de Lautréamont. Je commande un double expresso et un verre de Sambuca. Je bois la liqueur dans le café, après avoir fait flamber 3 grains de café. Le jour se lève sur l’Italie plombée par les années de plomb.

www.jc-de-castelbajac.com/

Une nuit avec Sebastien Tellier

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Article paru dans le TSUGI n°6
Texte de Violaine Schütz

Une nuit rêvée avec Sébastien Tellier


Comme le grand Christophe (dont il est fan), le latin lover aux costards blancs Sebastien Tellier vit surtout la nuit. C’est pendant ces heures sombres qu’il compose, joue à la Playstation ou file au Baron. Sur son nouvel album, Sexuality, il imagine une nuit érotique du début à la fin ; Et pour Tsugi, c’est une soirée légère et avinée dans un pseudo-Cannes qu’il fantasme. « La nuit pour moi c’est lié au rêve et à l’enivrement », avoue-t-il


18h00 : Je suis dans une belle villa à 500 mètres de la mer dans les hauteurs d’une ville qui ressemble à Cannes, mais qui n’est pas Cannes. Je bois un bon vin blanc glacé, et j’écoute Robert Wyatt. C’est vraiment parfait Robert pour l’apéritif car ça plonge dans l’obscurité.

19h : Il faudrait que ma fiancée rentre de ses affaires, qu’elle ait un travail. Qu’elle ne soit pas chômeuse donc, non je plaisante. (Dans la vraie vie, la petite amie de Sébastien, Amandine de la Richardière est une jeune actrice à forte poitrine de 26 ans qui n’a pas beaucoup tourné mais a prêté sa voix au disque de Tellier. Ce sont ses orgasmes qu’on entend tout au long de Sexuality, ndr). Non, je voulais dire que dans ma nuit préférée, ma copine rentre d’un travail qui l’a intéressée et a plein de choses à me raconter sur cette activité.

21h : Deuxième apéritif. Les disques à écouter pour le deuxième apéro parfait, c’est Diana Ross, Marvin Gaye, Stevie Wonder, les Beach Boys.

22h30 : Il est l’heure que les taxis viennent nous chercher pour nous amener au restaurant. Des amis nous rejoignent, mes meilleurs potes, des gens que je respecte dans l’art, d’autres qui ont des choses absurdes à dire. Là, on boit un maximum. Et surtout on réfléchit à ce qu’on va manger. On fait des concours de qui prendra le plus de trucs. « Entrée-plat-dessert », qui fait mieux ?

23h30 : Arrivée au restau, troisième apéritif, puis on s’empiffre. Moi, j’aime bien quand c’est la fiesta sur la table et qu’il y a plein de trucs partout. Le couscous c’est agréable, les tapas aussi. Faut que ce soit des plats festifs, qu’on s’amuse en les mangeant. Après, moi j’apprécie quand il y a des embrouilles pendant le repas. Un tel qui a trompé machin et que ça se sait. Si des copains peuvent se mettre sur la gueule, c’est dommage pour eux, mais ça fait toujours des petites activités sympas. J’adore aussi admirer les gens et cracher sur les gens : « lui, il est formidable », « oh, lui, quelle merde ! ». Les discussions stériles et les soirées superficielles avec des gens intéressants, ça c’est bien.

02h00 : Lentement mais surement on se retrouve chez un pote. Là, on boit plus un digestif- du Cognac- pendant que les filles se re-préparent un peu, avant de repartir. J’aime bien les déplacements, c’est là où je me marre le plus. A l’arrière d’une bagnole, quand on écoute de la musique à fond en racontant n’importe quoi, c’est un moment merveilleux.

03h00 : On sort dans une boite de nuit qui se trouve face à la mer. Je regarde les autres danser, je profite de la musique pendant que des mecs me racontent les derniers potins. J’ai essayé de bien m’habiller pour sortir. J’essaie d’être toujours présentable et de créer un certain style. Je peux garder mes lunettes de soleil dans le club.

Fin de la nuit : Un bon brunch avec un gros cheese-bacon, dans un endroit comme le restau américain Joe Allen à Etienne Marcel. Pas un McDo, non ! Des vraies frites et un vrai burger. Après seulement j’envisage la possibilité du sommeil.


Sexuality (Record Makers/Discograph)