samedi 13 mars 2010

Brazilian Girls - Article publié dans Trax en février 2007


 
Brazilian Girls
 
Texte de Violaine Schütz 
 

Non, les Brazilian Girls ne sont pas un troupeau de naïades échoué sur une plage de Sao Paulo. Mais ça n’empêche pas le quatuor new-yorkais de dub cool d’être sacrément sexy et culotté.

 

Heure très tardive dans un petit club londonien. Les Brazilian Girls montent sur scène. Leur chanteuse, presque nue, mais recouverte d’un voile lui masquant le visage se dessine au rouge à lèvres une bouche et des yeux sur le tissu …Une image troublante, qui accentuée par une lounge music polyglotte à la sensualité toute latine, ensorcèle et interpelle la horde d’ Anglais déjà bien alcoolisés. Bossa nova d’un autre millénaire ? Electro-salsa-funk ? Samba-dub-punk? Le premier album éponyme des Brazilian Girls, sorti en février 2005 avait déjà éveillé les questions de style et brouiller nos pistes auditives. Mélanges savoureux de dance tropicale et de pop plus occidentale, les rythmes chaloupés et plein d’humour des Brazilian Girls draguaient de façon putassière mais séduisaient sans difficulté. 

 

Le deuxième album, Talk To La Bomb, enregistré dans le studio d’Hendrix (l’Electric Lady à New York) affine le propos. Moins house que son prédécesseur, Sabina Sciubba, la chanteuse du quatuor, le définit comme une bombe « melting pop » et « emo electro ». « Emo c’est pour « émotionnel ». » Et en la rencontrant, on n’est pas au bout de ses émotions… La cynique perverse Formé en 2003 à New York, les Brazilian Girls se sont rencontrés au Nublu, un « tout petit club de l’East Village. Le propriétaire est moitié suédois-moitié turque et il a épousé une Brésilienne. Son lieu est un endroit très spécial et cosmopolite : on y trouve des vieux poètes de la beat generation, des mannequins droguées (pléonasme ?), des branchés, des DJ’s, des peintres, bref des artistes de tous les âges ayant pour seul point commun l’envie de s’évader et de recréer quelque chose d’amusant et d’innovant ». Comme les Brazilian Girls qui avant de jammer ensemble, écumaient chacun des milieux très différents. « Jesse, le bassiste, jouait dans un groupe de punk. Aaron, le batteur, officiait avec des musiciens argentins venant du tango. Le claviériste, est natif de Buenos Aires et c’est un fan de jazz. On a ensuite tout mélanger de manière très démocratique. » Mais Sabina donne seule ses interviews. Sans doute parce que c’est la créature la plus stupéfiante du groupe. Née à Rome, elle a parcouru le monde, chanté à l’âge de 13 ans dans une formation jazz, vécu à Nice avec sa mère peintre. Du coup, elle chante en cinq langues et répond à nos questions dans un parfait français. « J’ai vécu un peu partout, notamment à Munich, où je faisais l’actrice à la télé. J’ai aussi joué dans un film d’Amos Kollek récemment. Je ne m’enflamme pas trop parce que je n’ai vu aucune image et que je redoute le résultat. Je jouais une chanteuse d’origine allemande et arabe à l’opposé de l’héroïne, une jeune chanteuse innocente arrivant d’Israël et qui manque de mourir à cause de la cocaïne que je lui donne. Dans ce film, je suis la cynique droguée et perverse, toujours en train de fumer de l’herbe. 

 

On se demande pourquoi ?» Des chattes et de l’herbe C’est que le groupe a toujours eu à dealer avec cette image un peu « fumeuse ». Le refrain du tube qui les a rendus célèbre disait à peu près ceci : « Pussy, pussy, marijuana ». « Pour beaucoup, nous sommes le groupe qui a chanté « Pussy marijuana » ! On nous passe tout le temps des joints sur scène. Parfois, j’ai presque envie que la police s’en mêle. Ca me forcerait à retourner en Europe ! Je plaisante. Mais aux Etats-Unis, ce titre n’a pas la même valeur qu’ailleurs. « Pussy » ne peut pas passer à la radio, ni à la tv là-bas; Pourtant, il ne parle pas de sexe mais de censure et d’hypocrisie, il s’agit juste de provoc’. Pour moi tout est permis. Tout le monde a besoin de drogue. Les gens qui n’en prennent pas sont nymphomanes ou se goinfrent de chocolat. Chacun a ses vices !» Sue Ellen à poil Surnommée « Sue Ellen » par des tourneurs, Sabina s’est dernièrement pourtant un peu calmer. « Quand tu tournes, c’est important de se créer un espace de calme et de ne pas trop faire la fête. J’ai tellement tiré sur la corde la première année, que j’en suis sortie épuisée. Les mecs continuent eux : peu de sommeil, beaucoup d’alcool, ils ne vont pas faire de vieux os, c’est sûr ! (rires) Parfois c’est dur de voyager avec sept mecs sur un bus ! J’ai envie de parler de Tampax et d’avoir des amies ! » Mais quelques verres plus tard, Sabina se laisse aller : « J’ai grandi avec un grand manque de tabous. Chez moi, à Rome, on pouvait parler de tout. Les Italiens emploient tous les trois mots celui de « chatte ». C’est pour ça que j’aime vivre aux Etats-Unis, pour ridiculiser les gens prudes, qui en oppressant, engendrent la perversion. Récemment, j’étais à Porto Rico sur une plage, nue, car j’avais oublié mon bikini. C’était désert à part un vieux couple d’américains scandalisés dont la femme a écrit dans le sable « no nudes » alors que je me baignais. Quand je suis sortie, elle a commencé à m’insulter : « Les gens ici… » La plage était totalement vide. C’était quoi son problème ? Elle n’a pas aimé la manière dont son mari me regardait ou bien ? » C’est ça le problème avec les bombes…toujours prêtres à exploser ! 

Talk To La Bomb (Verve Forecast) www.braziliangirls.info www.myspace.com/braziliangirls